La lassitude au travail a-t-elle un âge? . Le ressenti des professeurs d’EPS de l’Académie de Lille aujourd’hui - Université Polytechnique des Hauts-de-France Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

La lassitude au travail a-t-elle un âge? . Le ressenti des professeurs d’EPS de l’Académie de Lille aujourd’hui

Résumé

Voici comment s’exprime un jeune professeur d’EPS contractuel en 1972 : « C’était ma deuxième année d’enseignement. ... devant moi étaient rassemblés des garçons de cinquième en short et chaussures de tennis. J’avais commencé à leur parler. Mais je manquais d’entrain. Je me sentais lourd, épuisé, écœuré à l’avance par cette année qui commençait. J’avais envie de tout planter là et de disparaître. Je pressentais ce jour-là cette usure inexorable des élèves sur les maîtres, impression qui s’était avérée par la suite, et qui, je crois, ne quitte aucun enseignant durant sa carrière » . Ce témoignage, qui n’engage que son auteur, remet en cause une idée reçue assez fréquente à l’époque comme aujourd’hui : celle qui associe apparition de la lassitude professionnelle et fin de carrière, comme si, au fil des ans, au fur et à mesure que grandissait l’usure du corps diminuait, en sens inverse, l’intensité des motivations à enseigner. D’ailleurs, bien des travaux, portant sur les professeurs d’EPS, ont fait preuve d’un certain déterminisme chronologique en situant vers 50 ans cette bascule qui associe usure du corps et usure mentale. De manière assez mécanique, l’articulation entre âge et ancienneté dans le métier aurait un effet d’autant plus radical que les représentations largement partagées du professeur d’EPS valorisent un certain dynamisme propre à la jeunesse. En dialogue avec les travaux les plus récents des sociologues, nous avons refusé de réduire le questionnement sur l’apparition de ces symptômes aux seuls effets de la progression en âge et en ancienneté à partir d’un seuil fixé de manière plus ou moins arbitraire. Des situations identiques peuvent être vécues de manière précoce dès lors qu’au temps linéaire déroulant le fil continu de la vie se superpose un temps beaucoup plus imprévisible et subjectif. En conséquence, et sans nier les déterminismes biologiques propres à certains stades de l’existence, nous avons donc construit un questionnaire à destination des 3000 professeurs d’EPS de l’académie de Lille propre à repérer le ressenti de chacun. De la sorte, nous en sommes revenus aux propos que tenait Michel Piédou en ne nous interdisant pas de trouver de jeunes enseignants d’EPS susceptibles de tenir un discours analogue au sien il y a près de 50 ans. Les 3000 collègues ont reçu le questionnaire sur leur boite académique grâce au concours des IPR. Tous ont été informés du caractère totalement anonyme et confidentiel de l’enquête, laquelle visait à ne pas être trop rébarbative afin de ne pas les dissuader d’y répondre. Les 60 questions qui leur ont été posées étaient pour la plupart d’entre elles fermées avec parfois la possibilité de donner plusieurs réponses. 1/3 des questions étaient destinées à mieux les connaitre (genre, ancienneté dans la profession, type d’établissement, pratique sportive, formation, caractéristiques des pratiques pédagogiques). Une moitié des questions portait sur la manière dont ils vivaient leur métier. Enfin, nous leur avons demandé comment ils envisageaient leur avenir et quels pourraient être les remèdes qui les aideraient à retrouver de l’allant, si nécessaire. Nous avons reçu 292 retours, soit un taux de réponse satisfaisant d’environ 10%. A notre grande surprise, les premiers symptômes de la lassitude dans l’exercice du métier, qui déplaît « par la disposition dans laquelle on se trouve » (Bescherelle), apparaissent relativement tôt, parfois après quelques années d’enseignement. Si les enseignants les plus expérimentés semblent situer l’apparition de cette lassitude après 20 ou 30 ans de carrière, les plus jeunes sont nombreux à en ressentir plus précocement les effets. Les temps auraient-ils changé et avec eux la manière dont on ressent, avec plus ou moins d’acuité, les inconvénients du métier ? Ce sentiment diffus de lassitude, qui recouvre fatigue et usure, mais aussi morosité et désenchantement, serait-il l’indice d’un profond malaise qui gagne toutes les strates du corps des professeurs d’EPS ? Michel Piédou n’aurait-il fait qu’anticiper ce qui, aujourd’hui, serait devenu commun ?
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04053746 , version 1 (31-03-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04053746 , version 1

Citer

Thierry Arnal, Didier Terrier. La lassitude au travail a-t-elle un âge? . Le ressenti des professeurs d’EPS de l’Académie de Lille aujourd’hui. Les âges au travail, Université Gustave Eiffel, Nov 2022, Marne-la-Vallée, France. ⟨hal-04053746⟩
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