La « Course des terrils » se déroule tous les ans depuis 1984 dans la forêt de Raismes-Saint-Amand-Wallers, au cœur du Parc naturel régional Scarpe-Escaut et dans le périmètre du bassin minier du Nord Pas-de-Calais, classé depuis 2012 au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de « paysage culturel ». Elle est devenue depuis sa création par un petit groupe de passionnés un évènement régional de notoriété nationale voire internationale, qui a réuni jusqu’à sept mille participants et est porteur de valeurs patrimoniales fortes liées au territoire sur lequel il se déroule (le bassin minier du valenciennois). Cette « course nature », qui semble connue et appréciée par les participants pour l’ambiance festive qui lui est associée, se décline en plusieurs épreuves à destination de différents types de public (plusieurs courses de difficultés graduées, y compris une randonnée, courses pour les enfants par tranche d’âge, course pour personnes en surpoids – les « grosses berlines » – participation de personnes en situation de handicap par l’utilisation de joëlettes…). Une épreuve de nuit, baptisée « les Allumés », réunissant des coureurs équipés de lampes frontales et parfois déguisés en mineurs, est même organisée certaines années. Au-delà de son parcours boisé et de ses paysages forestier, cette course présente la spécificité d’emprunter jusqu’à leur sommet plusieurs des terrils miniers qui rappellent le passé industriel d’un territoire et s’imposent comme autant de symboles de l’« œuvre conjuguée de l’homme et de la nature » (selon les termes de la Convention du patrimoine mondial) que constitue le bassin minier. L’objectif de cette communication, basée sur une analyse des fonctions politiques, sociales et économiques d’un évènement sportif porteur de fortes valeurs patrimoniales, est double : oReconstituer l’histoire de la course, depuis ses origines, pour comprendre les objectifs et motivations des différents acteurs qui en soutiennent le déroulement, s’y opposent et/ou en réalisent bénévolement l’organisation afin d’appréhender les éléments de la construction de sa mythologie : celle d’une course ancrée dans un territoire et dans ses valeurs, avec en toile de fond un déplacement des valeurs patrimoniales d’une centration sur le passé minier à une prise en compte progressive du capital naturel et de la valeur écologique du territoire. oRecueillir des données sur les pratiquants de la course, notamment sur leurs modalités d’investissement et leurs représentations de cet événement, qui pourront être confrontées à celles qui concernent les responsables de la course et les institutions publiques et organisations qui sont parties prenantes de sa réalisation. Il s’agit ici d’interroger les ressorts de cet investissement mais aussi de l’attachement affectif des participants à la course – entre pratique (sportive et individuelle) et valeurs (collectives) – afin de mesurer l’impact de la course sur le plan de la construction d’une identité partagée, qui permet le renforcement mais également la revendication d’un attachement au territoire. D’un point de vue méthodologique, nous combinons dans cette recherche socio-historique méthodes qualitatives et quantitatives. Nous travaillons en effet d’une part à partir de sources documentaires (articles de presse et documents d’archives fournis par les organisateurs), d’une observation participante de la course réalisée en septembre 2017 et d’entretiens (une vingtaine environ) auprès d’organisateurs clés de la course et de responsables d’institutions et de différentes structures directement ou indirectement impliquées dans son organisation (élus locaux, professionnels du PNR Scarpe-Escaut, de l’ONF, de la DRJSCS des Hauts-de-France, de la « Mission bassin Minier »…). D’autre part, nous allons appuyer notre analyse sur les résultats d’un questionnaire proposé aux coureurs et randonneurs, dans l’objectif d’aboutir idéalement à une typologie des pratiquants mettant en lumière les différentes modalités de pratiques et les différents ressorts motivationnels de ces derniers. Les premiers documents et entretiens réalisés relèvent d’ores et déjà la diversité des motivations des acteurs impliqués dans l’organisation de la course. Aux objectifs de préservation – promotion du patrimoine minier local et d’intégration par le sport, s’ajoutent la volonté de mettre en valeur, de protéger voire de développer la forêt, espace « naturel » profondément modelé par l’homme au cours de son histoire. Cependant, du fait de son succès grandissant, la course est suspectée de menacer la biodiversité d’une zone ayant obtenu le label Natura 2000. Elle pourrait être une menace écologique pour un espace forestier situé dans une zone péri-urbaine dense. Cette situation aboutit à l’existence de tensions importantes entre les responsables de la course et certaines organisations en charge de la gestion de cet espace naturel, qui semblent pour l’heure avoir débouché sur une évolution des modalités d’organisation de l’épreuve (limitation du nombre de participants, co-construction du programme et des parcours pour en limiter l’impact sur la forêt et sur certaines espèces protégées). Bibliographie BESSY Olivier (dir.), L’innovation dans l’évènement sportif. De l’attractivité touristique au développement territorial, Paris, Presses Universitaires du Sport, 2013. DEFRANCE Jacques, « Un schisme sportif. Clivages structurels, scissions et oppositions dans les sports athlétiques, 1960-1980 », in Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 79, septembre 1989, L’espace de sports-1, p. 76-91. DEFRANCE Jacques, Sociologie du sport, Paris, La Découverte, 1995. DUNNING Eric et SHEARD Kenneth, « La séparation des deux rugbys », in Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 79, septembre 1989, p. 92-107. DUPUIS Arthur, Histoire de la commune de Raismes des origines à nos jours, 1989. EHRENBERG Alain, Le culte de la performance, Paris, Hachette, 1991. NORA Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997. POCIELLO Christian (dir.), Sport et société, Paris, Vigot, 1984.