Henry Kissinger, le réalisme de l'équilibre - Université Polytechnique des Hauts-de-France Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2023

Henry Kissinger's realism

Henry Kissinger, le réalisme de l'équilibre

Résumé

Henry Kissinger, who served as United States secretary of state and national security advisor under the presidential administrations of Richard Nixon and Gerald Ford, was always considered one of the most iconic figures of Realpolitik.Historians and biographers tried to describe Kissinger's work, to assess his mark on the events and to better understand his personality, whose intellectual prowess continuously and deeply fascinated his contemporaries.However, no synthetic study had been written to characterize the particular realism linked with the name Kissinger. Since he exercised political power, the analysts involved in more abstract debates were probably not interested in exploring the intellectual roots of Kissinger's vision. Yet, far from consisting in a mere praxis - πρᾶξις - driven by immediate motivations, Henry Kissinger's vision can be distinguished by its own consistency and is structured by several invariable components.His thoughts and actions, which are actually inseparable, define the course of an historical and truly classical realism, that intellectually preexists theories outlined after the Second World War and is virtually contemporary with cabinet diplomacy practiced by European powers in the 18th and the 19th century. Revealed in his numerous books, from his thesis, published in 1957, to Leadership, published in 2022, the Kissingerian thought gives the formula of a realism which, unlike Hans Morgenthau's one, often and basically presented as the founder of classicism, emphasizes historical actions of states in order to explain logics that lead the world system, and simultaneously sets aside any reflection on supposed links between conflicts at the global level and human nature at the individual level.A friend of Raymond Aron, who was deeply influenced by Weber, Henry Kissinger builds a bridge between the work accomplished by the first advocates of state sovereignty, among them Jean Bodin and cardinal de Richelieu, and the German historians who redesigned it during the 19th century.Kissinger's vision consists in considering primarily elements of historical knowledge, understood, according to Leopold von Ranke's lessons, as the concrete representation of sovereign entities' life, the states, and consequently as a separate and genuinely political dimension, where their conflicting coexistence, led on a background of anarchy, can only be regulated by a diplomatically built equilibrium. Thus, his work can be truly depicted as "cliopolitics", which have nothing to do with the anthropological modern realism of Morgenthau, nor with structuralist neorealist theories inspired by Kenneth Waltz.Kissinger's guideline, which consists in trying to establish and maintain a balance among the states, is linked to the promotion of national interest, a principle that helps restrain the states' will to power. The world order that results from it is the goal of Kissinger's ambitions. This order can only last if it succeeds in combining equally sovereign political units' plurality and their adhesion to shared values that ensures its own legitimacy.This kind of Kissingerian equilibrium embraces, beside the assessment of physical force, a pyschological element, that is the effective commitment of statesmen, and a moral element, that is the legitimacy of world order and the impact of historical constants. It enhances the value of diplomacy. Therefore the Kissingerian thought can be considered a true thinking of peace, not the peace of philosophers, but the peace given by history, a peace based on equilibrium.In his reflections and political actions, Henry Kissinger has been always guided by a Westphalian worldview, which remains axiologically neutral and refers to an historical arkhè (ἀρχή), understood as a normative precedent, but also, by extension, as fundamental customs, which are shared by states and their leaders and contribute to consolidate a legitimate world order.
Conseiller pour la sécurité nationale puis secrétaire d’État des présidents Richard Nixon et Gerald Ford, Henry Kissinger est généralement considéré comme l'une des incarnations les plus emblématiques de la Realpolitik.Biographes et historiens se sont essayés à décrire son œuvre, à apprécier la marque qu'il avait imprimée aux événements, à mieux comprendre sa personnalité, dont les fulgurances, au fond, n'ont cessé de fasciner ses contemporains.Aucune étude synthétique n'avait cependant été entreprise pour caractériser le réalisme auquel est couramment associé le nom de Kissinger. Le fait que celui-ci se soit engagé dans l'arène du pouvoir a pu, probablement, dissuader les analystes, accaparés par des débats plus abstraits, de s'intéresser aux sources intellectuelles de sa vision. Or, loin de se réduire à une simple praxis - πρᾶξις - déterminée par des motivations immédiates, la Weltanschauung d'Henry Kissinger se signale par sa cohérence et est structurée par un certain nombre d'invariants fondamentaux.Sa pensée et son action, en fait inséparables, définissent la ligne claire d'un réalisme historique vraiment classique, intellectuellement antérieur aux théories ébauchées après la Seconde Guerre mondiale et virtuellement contemporain de la diplomatie de cabinet pratiquée par les puissances européennes aux XVIIIe et XIXe siècles. Révélée dans ses multiples œuvres, qui vont de sa thèse, publiée en 1957, à Leadership, paru en 2022, la pensée de Kissinger donne la formule d’un réalisme qui, à la différence de la théorie de Hans Morgenthau, pourtant présenté, de façon rapide, comme le fondateur du classicisme, s'appuie, pour expliquer les logiques innervant le système mondial, sur l'action historique des États souverains et fait l’économie de toute réflexion sur les liens supposés de la conflictualité avec la nature humaine.Ami du très weberien Raymond Aron, Henry Kissinger établit un pont entre l’œuvre des promoteurs de la souveraineté, dont Jean Bodin et le cardinal de Richelieu, et sa reformulation selon des concepts germaniques, esquissée au XIXe siècle.Sa lecture du monde procède d'une valorisation de l'histoire, comprise en termes proches de la façon dont la concevait Leopold von Ranke, soit comme le reflet de la vie des personnes publiques souveraines que sont les États, une dimension à part et politique par excellence de la réalité, où, sur fond d'anarchie, leur cohabitation conflictuelle ne peut être régulée que par la construction diplomatique d'un équilibre. Son œuvre s'entend ainsi comme une véritable "cliopolitique", distincte du réalisme moderne de nature anthropologique de Morgenthau, autant que des néoréalismes structuralistes inspirés par Kenneth Waltz.L'équilibre des puissances pris pour perspective par Kissinger procède, en fait, d'une promotion de l'intérêt national, qui proportionne la volonté de puissance des États. L'ordre du monde devant en résulter constitue le terme des ambitions de Kissinger. Pour durer, cet ordre doit concilier la reconnaissance de la pluralité des unités politiques souveraines avec leur adhésion à des usages partagés, propres à asseoir sa légitimité.L’équilibre ainsi conçu fait place, à côté de la mesure physique de la force, à un élément psychologique, l’engagement des hommes d’État, et à un élément moral, la légitimité de l’ordre mondial et le sens des continuités historiques. Il donne toute sa valeur au jeu de la diplomatie. En cela, la pensée d’Henry Kissinger est une vraie pensée de la paix, non de celle des philosophes, mais de la paix donnée par l’histoire, la paix des équilibres entre souverains.Henry Kissinger a donc illustré dans ses réflexions et mis en œuvre dans sa politique une Weltanschauung westphalienne axiologiquement neutre, valorisant l'arkhè historique (ἀρχή), au sens de précédent normatif, mais aussi, par extension, d'usages fondateurs en diplomatie, qui, partagés par les États et par leurs leaders, contribuent à étoffer un ordre mondial légitime.
Fichier non déposé

Dates et versions

tel-04575084 , version 1 (14-05-2024)

Identifiants

  • HAL Id : tel-04575084 , version 1

Lien texte intégral

Citer

Olivier Chantriaux. Henry Kissinger, le réalisme de l'équilibre. Histoire. Université Polytechnique Hauts-de-France; Institut national des sciences appliquées Hauts-de-France, 2023. Français. ⟨NNT : 2023UPHF0035⟩. ⟨tel-04575084⟩
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